Dominique Albertini & Joseph Césari: les frères chimistes de la French Connection

Pendant plusieurs décennies, la pègre Française va envoyer en direction des Etats-Unis, des tonnes d'héroïne pure à plus de 90%. C'est ce que l'on appellera plus tard, grâce au film de William Friedkin, la French Connection. Rouages essentiels dans ce trafic, les chimistes Français sont passés maîtres dans l'art de transformer la morphine base (substance issue de l'opium), en héroïne quasi pure. En effet, au plus le produit est pur, au plus il est possible de le couper afin de multiplier les doses et ainsi d'augmenter les bénéfices. Deux chimistes se démarquent plus particulièrement du lot. Il s'agit de Dominique Albertini et de son demi-frère Joseph Césari. Aussi talentueux dans leur domaine que mystérieux, voici ce que l'on peut savoir des 2 chimistes.

Dominique Albertini & Joseph Césari
 

Dominique Albertini, le maître des chimistes de la French Connection

Dominique Charles Albertini est né le 12 avril 1908 à Loreto-di-Casinca, Haute-Corse. Il est Corse avec des origines Italiennes et ses parents sont Charles Albertini & Annetta Paoli. 

On en sait très peu sur sa jeunesse si ce n'est qu'il est préparateur en pharmacie et qu'au début des années 30 il gravite déjà dans l'entourage de Paul Carbone & François Spirito, les principaux patrons de la pègre de Marseille. Carbone & Spirito ont pour plan d'installer un labo permettant de raffiner de l'opium en héroïne pour ensuite l'envoyer en Europe et aux USA. C'est donc vers Albertini qu'ils se tournent pour chapeauter l'opération. Mais bien qu'ayant des bases en chimie du fait de son métier, Albertini n'a pas la moindre idée de comment s'y prendre.

Il est donc envoyé à Paris pour y rencontrer un dénommé Charles Fortin. Fortin est en effet un ancien chimiste en pharmacie mais qui s'est fait renvoyer de son travail. L'individu est plus intéressé par la vie nocturne Parisienne que par son travail et depuis son renvoi il fréquente assidûment les tripots et bordels de Pigalle qui sont tenus par la pègre. Il fréquente depuis le Milieu dont il est maintenant membre reconnu (si tant est que l'on puisse parler de membre, tant le Milieu à l'instar de la Camorra moderne est plus un assemblage de truands connectés entre eux plutôt qu'une organisation criminelle structurée, mais ceci est un autre débat). A cette époque Fortin est surtout impliqué dans le bookmaking, mais si il y a bien un pionnier dans l'Histoire des chimistes en drogue c'est bien lui et il n'hésite pas à transmettre son savoir à Albertini (note: bien que retiré des affaires de drogue, le nom de Fortin refera surface en 1952 lorsqu'un autre chimiste nommé Auguste Salgues se fait serrer pour trafic de drogue).

Le fameux laboratoire se trouve donc non loin de Toulon, à Bandol. A l'époque les cargaisons de drogues ne partent pas du port de Marseille mais dans celui de Le Havre. La drogue était envoyé en direction de Paris où des trafiquants comme les frères Stefani ou Pierre Marini étaient en charge de l'acheminement vers les USA ou ailleurs en Europe. 

Le labo de Bandol va tourner au moins jusqu'en septembre 1938. A cette date, un intermédiaire mécontent de son paiement envoie une lettre anonyme à la police. Il y raconte notamment que Carbone et un autre de ses complices se rendent tout les jeudi à Bâle en Suisse, pour y écouler la production du laboratoire. Malgré la fermeture du laboratoire, Carbone ne sera pas pour autant inquiété, pas plus que Albertini.

Charles Fortin
 

Après l'éclatement de la Seconde Guerre Mondiale, le trafic de drogue est à l'arrêt, mais les activités reprennent après l'armistice et le nom d'Albertini va vite arriver aux oreilles des policiers.

A cette époque il est approvisionné en morphine base par Samil Khoury, un Libanais alors considéré par le FBN comme le plus important mafieux du Moyen-Orient. Khoury est d'ailleurs marié à Maria Vincent, née Giudicelli, un chanteuse de cabarets qui sera plus tard la maitresse de Francis "le Belge" Vanverberghe. Albertini est alors considéré comme le principal fournisseurs d'héroïne des principaux réseaux de la French Connection et est connecté aussi bien à des mafieux en France, Italie USA ou Canada.

C'est même à cause de ses connexions dans ces deux derniers pays que le nom d'Albertini va alors apparaître publiquement. Le 4 septembre 1952, Albertini est arrêté par la police des frontières de Detroit alors qu'il tentait de traverser le lac Michighan en direction de Windsor, Canada à bord d'une chaloupe. Arrêté par un agent, il propose à celui-ci 10.000$ pour qu'il oublie l'affaire. Manque de chance pour Albertini, l'agent est incorruptible et il est condamné un peu plus tard à 1 an de prison puis réexpédié en direction de la France une fois sa peine purgée.

Si Albertini a été arrêté à Detroit, c'est parce qu'auparavant il a été vu en train de sortir du magasin de Peter Di Lorenzo, un mafioso de Detroit, qui est sous étroite surveillance policière justement à cause de son implication dans les narcotiques. Di Lorenzo est d'ailleurs soupçonné d'être impliqué dans la disparition de Salvatore Vitale, le sottocapo de la mafia de Partinico, qui a été actif à San Diego (un peu plus d'info sur Vitale ici). Il est établi qu'avant d'avoir été à Detroit, Albertini a tenté de passer par Montréal au mois d'avril précédent où il s'est vu refuser l'accès au Canada à cause d'un faux passeport au nom de "Antonio Trupino". Il est également établi que ce sont Raffaele Quasarano & Giuseppe Catalanotte, deux importants mafiosi de Detroit, qui ont tenté de faire venir Albertini en Amérique afin qu'il se mette sous leurs coupes pour produire de l'héroïne directement aux USA. Catalanotte se fera d'ailleurs expulser 1 an plus tard en 1953 en direction de l'Italie.

Giuseppe Catalanotte

Malgré le contre-temps de Detroit, les affaires d'Albertini ne s'arrêtent pas, bien au contraire. En octobre 1955, Raphaël Sainas, un ami de Paul Mondoloni (gros poisson du trafic de drogue actif à ce moment là à Montréal), est arrêté à Milan avec 4 kilos d'héroïne. Le 31 octobre suivant, le paquebot Saint-Malo arrive à Pointe-au-Père au large du Québec. 14 kilos d'héroïne y sont trouvé dans la cabine de Robert Thomas Bianchi-Maliverno. 

Dans ces 2 affaires, toutes dénoncées par le même informateur confidentiel, le schéma est le même: la drogue a été commandé par Paul Mondoloni, Jean-Baptiste Croce & Ansan Bistoni au caïd Marseillais Dominique Nicoli qui a fait raffiner l'héroïne par Dominique Albertini. Autres personnages d'importances reliés à l'affaire, Antoine Galiano, les frères Dominique et Jean Venturi (plus d'infos sur Dominique Venturi ici. et ici) Ce dernier travaille d'ailleurs officiellement à Montréal en tant que représentant pour la marque d'apéritif Ricard. Aucuns ne sera poursuivi même si Bianchi-Maliverno a affirmé qu'il s'était vu remettre la drogue par Albertini et Joseph Campocasso, un autre caïd Marseillais.

Après de nombreuses années de quasi impunité, Albertini est désormais dans le viseur du FBN et de la police Française et les choses vont très vite tourner lorsque son demi-frère, Joseph Césari se fait arrêter en octobre 1964 dans une villa d'Aubagne en possession de plusieurs kilos d'héroïne et de morphine base prêt à être transformer. La police soupçonne fortement Albertini d'être derrière l'opération et ce dernier décide de changer d'air.

Parti en cavale, le nom d'Albertini va refaire surface en Italie en 1965, lorsque le réseau d'une bande de trafiquants menée par un Franco-Italien nommé Louis "le Tatoué" Rossi" est démantelé à Milan. Les confessions de 2 passeurs confirment que c'est Albertini qui fourni en cocaïne et héroïne le gang. Durant cette période, Albertini aurait été vu Gênes, Turin et Trieste où vit sa femme Caterina Mastromauro.

Albertini aurait été arrêté et condamné par la justice Française peu de temps après (malheureusement, malgré mes efforts, impossible de trouver la date de son arrestation et sa sentence). A l'époque de l'affaire de Milan, Albertini était surnommé "Naso Facile" (nez facile), venant du fait qu'il aimait un peu trop tester la marchandise qu'il fournissait.

Dominique Albertini est décédé le 22 février 1970 en détention à la prison des Baumettes de Marseille à l'âge de 62 ans.

Joseph Césari, Monsieur 98%

Si le début de la vie de Dominique Albertini est trouble, celui de son demi-frère Joseph l'est tout autant. Né le 2 janvier 1915 à Bastia, Haute-Corse, Césari quitte l'île de la Corse pour Marseille où il travaille dans les messageries maritimes et exerce la fonction de matelot, puis de garçon de cabine. Comme la plupart des personnes travaillant dans ce domaine, Césari arrondit son salaire en participant à divers trafics.

Si l'on ne sait pas ce qu'il fait lors de la Seconde Guerre Mondiale, il semble que de 1945 à 1948 il travaille dans une fromagerie rue Paper à Marseille appartenant à l'une de ses tantes. Mais il abandonne son travail honnête et selon un commerçant qui l'a connut à cette époque, Césari lui aurait proposé d'être un intermédiaire pour faciliter l'écoulement de 8 kilos de jasmin, ingrédient essentiel pour la fabrication de parfum et qui à l'époque est une denrée rare. Le commerçant qui se doute que le jasmin a été obtenu illégalement décline la proposition, mais constate que quelques semaines plus tard la fromagerie a été vendue et que Césari semble être passé du côté moins honnête de la loi.

C'est semble-t-il à cette période que Césari aurait été initié à la transformation d'héroïne par son frère, ainsi que par un mystérieux oncle qui sera plus tard incarcéré au Mexique. Césari est d'ailleurs condamné en 1949 à 10 mois de prison avec sursis pour possession d'héroïne. Il s'avérera que l'élève va largement surpasser ses maîtres.

Au début des années 60, Césari est au fait de sa gloire. Il a la réputation de fabriquer l'héroïne la plus pure du marché, jusqu'à 98%. Une rumeur dit que son produit est tellement apprécié sur le marché que les sachets d'héroïne fabriqué par Césari vendu dans la rue porterait un autocollant pour les différencier des autres. Mythe ou réalité? Impossible à dire. Anecdote révélatrice, des années plus tard des scientifiques du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) tentent de fabriquer de l'héroïne en utilisant la "recette" de Césari et n'obtiennent qu'un taux de pureté de 67% ...

C'est durant cette période, probablement au milieu ou fin des années 50, que Césari est recruté par Antoine Cordoliani, un des principaux boss de la drogue de cette période. La drogue est fabriqué dans une maison proche de Marseille appartenant à un ancien policier pour être ensuite expédié en Italie. Selon un témoignage, le laboratoire de Césari est capable de produire 30 kilos d'héroïne pure en 24 heures. Des voyageurs sont ensuite recruté par un agent de voyage pour qu'ils transportent une valise supplémentaire lors de leur voyage en direction des USA ou du Canada. La combine va fonctionner jusqu'à la fin de l'année 1960 quand deux intermédiaires sont arrêtés et décident de collaborer avec les autorités.

33 personnes sont inculpés dans cette affaire des deux côtés de l'Atlantique, en France, Italie, Canada et USA. Parmi eux se trouvent entre autres Joseph Valachi, Carmine LoCascio, John Papalia et les frères Vito & Albert Agueci. Césari fait parti des personnes inculpés, mais il a à ce moment là d'autres problèmes.

Installé à Aubagne depuis 1962, Césari est officiellement éleveur de porcs. Il possède deux propriétés "la Roseraie" et "la Grande Bastide". Il achète en 1964 "le Clos Saint-Antoine", un autre propriété non loin de "la Roseraie", sauf que cette propriété n'est pas fait pour la détente, ni pour entreposer ses 4 voitures de luxes ou ses livres rares. "le Clos Saint-Antoine" va en effet servir de laboratoire. Comme "façade" la villa sert d'élevage de poulets pour Albert Véran, un des "élèves" chimistes de Césari.

Le 8 octobre 1964, les hommes de la brigades des stupéfiants de Marseille qui surveillent Césari depuis 1 an, investissent "le Clos Saint-Antoine" et prennent l'équipe de chimiste sur le fait. Césari étant méfiant et quasi impossible à prendre en filature, les policiers cherchent pendant plusieurs jours la villa avant de tomber dessus. Pour ne pas éveiller les soupçons des trafiquant, ils se font passer pour des chasseurs qui viennent de subir un accident de chasse. Albert Véran fait entrer les faux chasseurs qui interviennent après coup. Césari est pris sur le fait en train de mettre de l'héroïne dans un sachet est fair-play et félicite les agents qui viennent de réaliser un gros coup.

Outre tout le matériel nécessaire pour la transformation de morphine base en héroïne, 105 kilos d'héroïne et 68 kilos de morphine base sont saisis. Arrêtés avec Césari figurent: Véran, sa compagne Anna Palladino, Jean Gallorini & Alain Caluzzi. Les enquêteurs sont par ailleurs ravi d'avoir mis la main sur Caluzzi qui était en cavale depuis plusieurs mois pour une affaire de cambriolage. Un autre individu nommé Roger Chave est interpellé plus tard. Il est soupçonné d'avoir fournit la morphine base à l'équipe de chimistes.

Détail amusant, se trouvait également sur l'une des propriétés de Césari, Jean-François Fancisci, 7 ans, fils de Antoine Francisci. Ce dernier n'est autre que le frère du célèbre caïd Marcel Francisci. Antoine ayant des problèmes conjugaux avec sa femme, la famille Francisci avait décidé de mettre le jeune Jean-François à l'abri de sa mère. Marcel Francisci avait donc confié le jeune homme à Césari et sa compagne Renée Manoukian. Notons que bien qu'il a toujours nié être lié de près ou de loin à la drogue (ce qui est ironique lorsque l'on confie son neveu à quelqu'un comme Césari), Francisci était un ami de Samil Khoury cité précédemment.

Le procès s'ouvre en mars 1965 et Césari est comme a son habitude mutique. Il raconte qu'il a commencé a fabriquer de la drogue en avril 1964 afin de payer ses dettes et que quand la police est arrivée il avait prévu de cesser ses activités. Il ajoute qu'il a apprit les rudiments de la transformation de la morphine base en héroïne en ayant lu des livres. Même genre de défense pour ses coaccusés. Caluzzi raconte qu'il n'est qu'un employé agricole au service de Césari, Gallorini qui a été vu par la police en train de livrer de l'acétone et de l'acide tartrique à Césari explique le plus sérieusement du monde que l'usage des produits était pour décaper des outils agricole. Chave, explique qu'il est simplement passionné de chasse et d'agriculture comme Césari.

Césari est condamné à 7 ans, Véran à 3 ans, Caluzzi à 2 ans, Gallorini à 1 an, Chave à 18 mois et Anna Palladino à  8 mois avec sursis. Cesari, Véran, Caluzzi, et Gallorini écopent également d'une amende à payer à l'administration des douanes de 329.000 francs qui correspond à la valeur marchande des kilos d'héroïne non saisis (en clair, la morphine base) et une amende de 4.260.000 francs qui correspond au quadruple de la valeur du stupéfiant saisi. Césari est également condamné en 1967 par contumace à 10 ans de prisons en Italie pour l'affaire de 1960. Mais la France n'extradant pas ses prisonniers s'ils risquent une peine plus lourde, il reste purger sa peine en France.

Peu de temps après la coup de filet contre Césari et ses complices, la police a également démantelée non loin d'Aubagne un autre réseau de chimistes connecté à Céari. Le leader était Edouard Toudayan épaulé par Antoine Restori, un "élève" de Césari. La villa situé à Roquefort-la-Bédoule est louée par Toudayan. L'équipe des chimistes est tuyauté que la police est en route pour un raid et se débarrasse des preuves gênantes. 

Toutefois, Pierre Rama, l'un des chimistes et par ailleurs lui aussi un "élève" de Césari, est activement recherché car les enquêteurs ont trouvé dans son véhicule 5 litres d'acétone et 60 litres d'anhydride acétique, produits qui servent à transformer la morphine base en héroïne. Il est décidé de mettre Rama "à l'abri" et il a pour consigne de se rendre uniquement lorsque le procès de Césari est terminé. C'est chose faite à la fin juin 1965. Pierre Rama est condamné à 3 ans de prison alors que Toudayan et Restori ne sont pas poursuivis.

Tandis que Césari est incarcéré, l'affaire du "Clos Saint-Antoine" va refaire la une des journaux en septembre 1969. La propriété a été vendu aux enchère et la fille du nouveau propriétaire, Claire Lambert, trouve dissimulé derrière un mur 2 sachets d'héroïne non retrouvés par la police. Un soir, elle invite des amis pour une fête et les jeunes ont la mauvaise idée d'essayer la drogue. Le produit étant quasiment pur (et donc impossible à consommer en tant que tel), un des jeunes nommé Jean-Claude Lamoureux meurt d'une overdose.

Selon la police, Dominique Albertini était derrière l'affaire du "Clos Sant-Antoine" et c'est à ce moment là qu'un mandat d'arrêt est émis contre lui et qu'il part en cavale en Italie.

Albert Véran, Jean Gallorini, Roger Caluzzi & Anna Palladino

Césari est libéré de prison le 6 décembre 1970 quelques mois après la mort de son demi-frère. Il a de gros soucis de santé et a subit plusieurs opération chirurgicales pour des troubles cardio-vasculaires. Césari est également affaibli par les doses de produits chimiques avec lesquelles il a été en contact pendant des décennies. Seul chose positive pour lui durant ces années, il a épousé en janvier 1967 sa compagne Renée Manoukian. Césari rêve de tout abandonner et de partir avec sa famille au Pérou. Pas pour un travail honnête, mais pour se lancer dans le raffinage de la cocaïne, moins nocif pour sa santé que l'héroïne. Le seul problème, et il est de taille, c'est que depuis son procès, Césari est ruiné. Il va donc rapidement retourner à ce qu'il sait faire de mieux afin de gagner rapidement de l'argent.

Césari ne se remet "au travail" que vers l'été 1971. Il rencontre un individu nommé Lucien Giraudo. Giraudo est un chauffeur de taxi qui aimerait apprendre le "métier" de chimiste. Césari accepte à la condition que Giraudo trouve et paye le nouvel emplacement qui servira de laboratoire. La nouvelle villa, "Sainte-Suzanne", se situe encore une fois à Aubagne et après quelques modifications est prête à servir. Un troisième "employé" nommé Nicolas Georgiou est embauché.

Durant cette période, Césari rencontre une de ses anciennes connaissances, un Italo-Américain nommé "Giovanni", qui souhaiterais envoyer une cargaison d'héroïne à l'une de ses connaissances habitants aux USA. Césari met "Giovanni" en contact avec Jacques Masia et Louis Rivière, deux trafiquants de drogue de Marseille. Après une négociation de 2 mois et une vingtaine de rencontres entre Masia et "Giovanni", il est convenu d'un premier envoi de 25 kilos en direction de San Remo.

Mais le 29 janvier 1972, Masia, Rivière et une dame nommée Faitma Raymond sont arrêtés à San Remo. Après une surveillance accrue de la polices Italienne, du BNDD (l'actuelle DEA) et de la brigade des stupéfiants de Marseille il est établi que Masia conduisait une voiture et que Raymond et Rivière suivaient dans une autre où les 25 kilos de drogue étaient dissimulés dans les portières de la voiture. Manque de chance pour le trio, "Giovanni" n'est autre qu'un agent du BNDD sous-couverture et ils arrêtés après la transaction avec "Giovanni". Selon la police Italienne, ce sont pour l'époque parmi les plus gros trafiquants de drogue jamais tombés dans leurs filets. Un an plus tard, Masia est condamné par la justice Italienne à 6 ans, Raymond à 4 ans et Rivière à 5 ans. La réputation de Césari est sérieusement mis à mal, mais cela va bientôt être le cadet de ses soucis.

Jacques Masia


En Mars 1972, la brigade des stupéfiants de Marseille reçoit un tuyau anonyme lui disant que si ils veulent arrêter Césari en pleine activité ils doivent suivre une Citroën 2CV jaune. Le 16 mars les policiers repèrent la voiture, la prenne en filature mais finissent par la perdre dans la campagne d'Aubagne. Légère panique chez les policiers, mais en quadrillant discrètement le secteur, ils finissent par repérer la voiture garée dans la villa "Sainte-Suzanne" (note: la fameuse 2CV était enregistré au nom de Jacques Masia).

Les policiers interviennent et interpellent Nicolas Georgiou et sa femme. Outre le matériel, 120 kilos d'héroïne et de quoi en fabriquer tout autant voir plus sont retrouvés. Inutile de préciser qu'étant donné que la législation anti-drogue est nettement beaucoup plus sévère depuis une loi anti-drogue passée en 1970, le couple Georgiou craque assez vite et donne toute l'histoire au policiers.

Césari est interpellé le lendemain alors qu'il se trouvait dans un taxi. Si cette fois-ci il n'a pas été pris en flagrant délit, Césari pense s'en sortir. Hélas pour lui la police arrive à prouver qu'il se trouvait bien dans le laboratoire grâce à une blessure qu'il a à la cuisse et qu'ils ont pu relier à un pantalon déchiré trouvé sur place. Giraudo est interpellé dans la foulée à son domicile, de même que Renée Césari.

Alors qu'il est à la prison des Baumettes, Césari médite sur son sort: sa femme est également arrêtée, sa santé est plus que fragile, et il sait que désormais il risque un minimum de 20 ans de prison ce qui équivaut pour lui à une sentence de prison à vie.

Joseph Césari décide qu'il vaut mieux en finir maintenant et se pend dans sa cellule le 22 mars 1972. Il avait 57 ans. Il écrit 2 lettres: une au juge d'instruction et une à sa femme où il explique son geste et lui présente ses excuses.

Les élèves de Jo Césari dans la Pizza Connection

Il est en général pris pour acquit que les années 1972 et 1973, après le suicide de Césari et le démantèlement d'autres filières marquent la fin de la French Connection. Il est vrai que pendant plusieurs années il y a une sorte de "flottement" à la suite des coups de butoirs des autorités et des luttes intestines au sein du Milieu, mais en fait le problème à juste été déplacé car beaucoup de chimistes sont en fait parti faire leurs affaires hors de France. C'est le cas de plusieurs élèves de Césari.

Il ne rentre pas dans cette catégorie, mais le premier des disciples de Césari qui va faire parler de lui est Albert Véran. Véran ainsi que 2 complices, Georges Calmet et un Italien nommé Giuseppe Laudonio (parfois orthographié Laudonno) sont arrêtés en mars 1969 dans une villa transformée en laboratoire situé dans la banlieue de Marseille avec 135 kilos de morphine base et 20 kilos d'héroïne. Véran est condamné à 15 ans, Laudonio à 6 ans et Calmet à 15 ans. Calmet n'en fera que 3 car il a été déclaré sénile et a purgé sa peine dans un établissement spécialisé (dur pour quelqu'un âgé de 48 ans au moment des faits).

Comme le monde des trafiquants de drogue est petit, surtout dans le microcosme des chimistes, et que tout est finalement connecté, c'est par l'intermédiaire d'une affaire impliquant Georges Calmet que des vieilles connaissances de Césari vont faire la une de la presse à la fin des années 70.

Le 5 février 1978, la brigade des stupéfiants de Marseille effectue un raid dans une villa de La Ciotat et arrête 5 individus, dont Georges Calmet, semble-t-il miraculeusement guéri de sa sénilité. 40 kilos de morphine base sont saisis. Tout les protagonistes sont condamnés à de lourdes peine de prison, notamment Calmet qui est condamné à 30 ans de prison, à l'époque la plus lourde peine qui a jamais été prononcée contre un trafiquant de drogue en France.

En investiguant, la police va parvenir à remonter le reste la filière. Ainsi en août 1979, la police de San Remo (encore !) arrête Jacques Masia et son fils Jean-Pierre avec 2 kilos d'héroïne. Trois autres complices Italiens sont arrêtés, dont Pasquale Bentivogilo un membre présumé de la 'ndrangheta à Gênes. Masia père et fils sont condamnées respectivement à 23 et 10 ans d'emprisonnement.

Après plusieurs mois d'enquête, le chimiste de la filière de San Remo est repéré à Nice. Il s'agit de Antoine Restori. Les policiers Français le suivent jusqu'à la frontière Italienne et préviennent tout de suite leurs homologues Transalpins qui suivent Restori et un autre individu jusqu'à Vintimille, puis San Remo. Le duo est repéré dans une usine d'eau minérale et semble loger chez Anita Zappa, une employé de l'usine.


Antoine Restori

La police Italienne intervient le 27 novembre et arrête Restori, Ugo Zucchi (propriétaire de l'usine), Maddalena Lavagna (la femme de Zucchi), Anita Zappa et Michel Diot, le complice de Restori. La police découvre plus tard que Diot s'appelle en fait Jean-Claude Guillermet et qu'il est un fugitif recherché en France pour un braquage, crime pour lequel il a été condamné à mort par contumace.

Le profil de Zucchi est un peu plus cocasse. Le chef de l'usine est en fait en besoin d'argent car il mène une double vie. Il a en effet pour pour maîtresse Anita Zappa, et sa femme ne tolère leur liaison qu'à la condition que son train de vie ne baisse pas. Il "entretient" donc financièrement 2 femmes et on ne sait trop comment mais il est entré en contact avec les truands Marseillais à qui il prête les locaux de son usine en échange d'argent. Au moment de l'intervention des policiers, 5 kilos d'héroïne et 22 kilos de morphine base sont retrouvés. Selon les analyses, il s'agissait d'une héroïne pure à 98%.

Deux autres Français sont activement recherchés pour cette affaire. Le premier est Bernard Saliba, un ancien associé du caïd Milanais Francis Turatello, et le second est Gérard Gros alias "Jean-Louis Levèque" un gangsters en fuite, condamné à mort pour contumace pour avoir tué 3 prostituées en 1965. Saliba ne sera jamais arrêté et les charges sont de toute façon abandonnées en 1982 pour un vice de forme au cours de la procédure. Gros est arrêté au courant de l'année 1982 à Cannes. Il semble qu'il n'a pas été condamné pour cette affaire de drogue.

Restori est condamné à 18 ans de prison. Incarcéré sur l'île de Gorgona, il parvient à s'échapper en 1983 en compagnie de Masia avec qui il était incarcéré. Masia est repris en 1984 et Restori en 1985 en Ardèche.

Restori est décédé en 1996 à l'âge de 83 ans et Masia en 2021 à l'âge de 97 ans.

Ces dernières enquêtes entre la France et l'Italie ont été conduites sous l'impulsion du Juge Pierre Michel qui sera assassiné peu de temps après, le 21 octobre 1981.

Photos

 Albertini arrêté en 1952 à Detroit

 

Césari arrêté en 1949 pour possession d'héroïne


Césari arrêté en 1964 après la découverte de son labo


Césari arrêté en 1972 après la découverte de son labo


Photo non datée de Césari


La drogue saisie dans le labo de Césari le 8 octobre 1964


Pierre Rama


Photos du laboratoire d'Albert Véran découvert par la police en mars 1969 (Newsday, 10 février 1967)


Le laboratoire d'Antoine Restori découvert par la police de San Remo le 27 décembre 1979


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