Jean Jehan alias "l'Américain" & "Pépé la Chnouf"

Jean Jehan est sans aucun doute l'un des gangsters les plus connus au monde. Et pourtant personne ne sait vraiment qui il est, tout juste si l'on sait qu'il a servi de base pour l'histoire d'un des méchants les plus célèbre du cinéma, "Charnier" joué par Fernando Rey dans le l'Oscarisé "French Connection" de William Friedkin sorti en 1972...

Jehan a la particularité d'avoir été impliqué dans le trafic de drogue pendant près de 50 ans et le tout sans avoir jamais fait de séjour en prison pour ça. Mieux que ça il a même survécu à la plupart de ses congénères dans cette activité plus que dangereuses et a été le témoin privilégié de l'évolution du trafic.

 

Début de carrière et départ pour l'Amérique

Jean Jehan est né à Fourques dans le Gard le 2 septembre 1898. 

Selon le livre "le Juge Michel" d'Alain Laville, Jehan est condamné en 1923 à 8 ans de prison pour avoir braqué la gare d'Arles. Il est libéré en 1930 et se serait par la suite lancé dans la fabrication de faux pastis (pour les Anglophones qui n'ont probablement aucune idée de quoi il s'agit, le pastis est un spiritueux, variante de l'absinthe et une spécialité en Provence)

Bien que son nom ne sort pas dans la presse à ce moment là, Jehan est impliqué en 1937 dans un meurtre qui défraya la chronique à l'époque.

Alphonse Saunier est un ancien boxeur d'Avignon qui s'est reconverti en courtier en charbon et en éleveur de chevaux. Mais Saunier, qui on le voit aime varier ses activités, travaille aussi pour une banque d'Avignon et fait pour son compte plusieurs voyage en direction de Monaco afin d'échanger des liasses de billets contre de l'or.

Au soir du 1er octobre 1937 alors qu'il s'apprêtait à prendre un train à Avignon pour se rendre à Monaco, Saunier est abordé par une voiture d'où plusieurs hommes descendent afin de s'emparer de la valise contenant 350.000 Francs.

Saunier résiste et 6 coups de feux son tirés. Les malfaiteurs prennent la fuite en emmenant Saunier avec eux et la voiture est retrouvé le lendemain incendiée. Saunier est quant à  lui retrouvé une dizaine de jours plus tard dans un carrière à Estézagues dans le Gard. Inutile de le préciser, mais l'argent a disparu.

Alphonse Saunier et la voiture incendié de ses ravisseurs

 

La police conclue que les ravisseurs étaient au nombre de quatre. L'un d'eux Jean Marti alias "Jeannot le Corse" est arrêté le 14 mars 1938 à Paris, mais il n'a semble-t-il pas été condamné. Les trois autres seraient Jean Jehan, Jean David & Ange Poli qui ont fui pour l'Amérique. Le trio serait passé par l'Argentine avant de s'installer entre les USA et au Canada (Montréal notamment).

Note: au contraire des 3 autres, Jehan n'est mentionné dans aucun des journaux de l'époque parlant de l'affaire, ce n'est qu'en 1980 que le journal La Stampa dévoilera l'implication de Jehan dans le meurtre de Saunier. 

La police elle semblait au courant: sur sa fiche du FBN il est précisé que Jehan était recherché pour meurtre et dans le livre "le Juge Michel" de Alain Laville, il est précisé  que Jehan a mystérieusement quitté la France pour les USA en 1937. Si l'on ajoute les lieux du meurtre (le Gard & Avignon), tout concorde.

Jean Marti, l'un des tueurs présumé de Saunier

 

L'affaire du Champlain

Il ne faut pas attendre longtemps pour que le nom de Jehan apparaisse dans une affaire de drogue.

La police Française en collaboration avec leurs homologues Américains est chargée depuis un moment de surveiller les transatlantiques en direction des Etats-Unis afin d'y trouver de la drogue. 

La surveillance paye en juin 1939 quand les policiers repèrent un individu assez suspect travaillant à bord du paquebot "Champlain". Ce qui met la puce à l'oreille des enquêteurs est que l'individu nommé Roland Bellenger a une démarche bizarre quand il marche et que ses pas semblent faire de petits nuages de poussière...

La police interroge donc Bellenger et trouve dans sa cabine une valise contenant 2 kilos d'héroïne pure. Ce qui explique la curieuse démarche de Bellenger est que les sachets contenant la drogue étaient en fait en forme de semelle de chaussures.

Bellenger n'est pas très bavard, mais indique toutefois aux policiers la présence d'une autre valise contenant cette fois 12 kilos et donne le nom de l'un de ses complices, un dénommé Arthur Pourcin.

Pourcin est en revanche plus loquace que Bellenger et donne le nom des deux fournisseurs: il s'agit de Henri Martin et surtout de Charles Vincileoni, tout deux habitant rue Mansard à Paris.

Si il vous arrive de lire occasionnellement ce blog (merci à vous), le paquebot "Champlain" et la rue Mansard vous sont probablement familier. Le paquebot avait déjà fait la une de la presse quelques années plus tôt en 1934 dans une affaire de drogue qui s'était transformée en kidnapping de marins impliquant notamment Salvatore Mancuso. 

Quant à la rue Mansard, en plus d'être un haut lieu de la pègre Corse à Paris, elle servait de refuge à Giuseppe Mancuso et de plusieurs autres complices impliqués dans l'affaire des marins. 

Pour plus d'infos sur les frères Mancuso et cette affaire se reporter à cet article.

Charles Vincileoni

 

Il n'est pas très clair de ce qu'il advient de Vincileoni dans cette affaire, mais Bellenger & Pourcin indiquent que les deux personnes à qui ils devaient remettre la drogue étaient Jean David & Jean Jehan.

Vincileoni reviendra sur le devant de la scène à 2 occasions: la première dans l'affaire du vol des bijoux de la Bégum en 1949, où il est jugé puis acquitté, puis en 1963 dans une grosse affaire de stupéfiants, l'affaire des "Pères Tranquilles" où il est condamné à 5 ans de prison.

Quant à Jean David alias "Jean Laget", il se fait arrêter en 1953 à New York pour une grosse affaire de drogue impliquant notamment Joseph Orsini & François Spirito, ainsi que des membres et associés des Familles Lucchese & Genovese.

Jean Jehan passe entre les mailles du filet, mais son nom va revenir aux oreilles des polices Américaines, Canadiennes et Françaises dans les années à venir.

L'affaire Jacques Angelvin

Jehan est donc principalement connu pour son implication dans l'affaire qui a inspiré le livre et le film "French Connection".

L'affaire commence en octobre 1961 quand des agents du bureau des narcotiques prennent en filature les frères Anthony & Pasquale Fuca, après avoir remarqué l'attitude exubérante de ce dernier dans une boîte de nuit et un curieux manège en voiture dans Little Italy où il effectue plusieurs arrêts et changements de voiture en compagnie de sa femme.

Après vérification les agents découvrent que le père des Fuca, Giuseppe, est un ancien braqueur et surtout que leur oncle est Angelo Tuminaro un membre de la Famille Lucchese (ou Genovese) qui a précédemment été inculpé en 1959 dans une grosse affaire de trafic d'héroïne en compagnie d'une vingtaine d'autres mafieux New Yorkais et Montréalais incluant Carmine Galante, John Ormento, Giuseppe Cotroni ou Gabriel Graziani de Marseille.

A noter à propos de l'affaire de 1959 que Patsy est largement soupçonné par la police d'avoir assassiné en novembre 1958 Joseph DeMarco, un associé (ou membre) de la Famille Lucchese devenu un peu trop gênant. 

Joseph DeMarco, peut être assassiné en 1958 par Patsy Fuca
 

Une première tentative d'épingler les frères Fuca a lieu un mois plus tard. Patsy Fuca accompagné de 2 femmes (dont la sienne) est prit en filature. Après avoir baladé la police avec 2 voitures ces derniers finissent par perdre leurs traces.

Ils finissent par retrouver l'un des véhicules, un Buick immatriculée au Canada, et décident de le placer sous surveillance dans l'attente que Fuca ou un autre présumé trafiquant vienne le récupérer. Au bout d'un moment 4 individus suspects s'approchent du véhicule. 

Malheureusement pour les enquêteurs il ne s'agit pas de trafiquants de drogue mais seulement de délinquants qui espéraient voler le véhicule... Ils décident ainsi de laisser tomber la surveillance et de reprendre le lendemain. Mauvaise idée puisqu'entre temps le véhicule a été récupéré et à donc disparu!

Cela dit les enquêteurs de ne repartent pas totalement bredouille puisqu'ils découvrent que la Buick est enregistré au nom de Marius Martin, et que l'individu n'est pas exactement un saint.

Marius et son frère Edmond sont d'anciens pégriots Marseillais installés à Montréal depuis 1939. Ils se sont associés avec Vic Cotroni et sont tout trois propriétaires du célèbre cabaret "Au Faisan Doré".

Après la fermeture du cabaret en 1950, Marius gère le bar "la Cave" avec l'ancien lutteur Roger Mollet et un dénommé Auguste Calmes qui s'avérera être nulle autre que Jean Jehan qui utilise aussi le nom de "Steve Martin". 

Les polices Canadiennes et Américaines sont d'autant plus intéressés par cette révélation car depuis un certains temps le nom de Jehan est apparu plusieurs fois dans d'autres affaires de stupéfiants, notamment au côté des noms de trafiquants bien connus comme Giuseppe Cotroni & Lucien Rivard.

Les soupçons des policiers concernant les frères Fuca, Tuminaro, Martin & Jehan sont confirmés lorsqu'ils ont confirmation par un informateur qu'un gros arrivage d'héroïne vient d'arriver.

Edmond Martin (1) Vic Cotroni (2) Marius Martin (3)

 

Vic Cotroni & Edmond Martin


Quelques semaines après cet arrivage une conversation entre Patsy et un autre individu est entendue dans un bar laissant entendre une nouvelle commande pour un arrivage de drogue. L'information est confirmée par plusieurs informateurs qui indiquent qu'une cinquantaine de kilos seraient attendus.

Une importante surveillance est mise en place et le 10 janvier 1962 Fuca est repéré en train d'accueillir Jean Jehan. Les deux hommes se rendent ensuite à l'hôtel Edison où ils rencontrent un autre individu qui sera plus tard identifié comme étant François Scaglia, un Marseillais bien connu de la police pour son implication dans des kidnappings et pour fréquenter le bar "Les Trois Canards" que fréquente également assidument le futur "Parrain" Marseillais Gaëtan Zampa. 

Au fur et à mesure des filatures, la police se rend compte qu'un troisième Français nommé "J. Mouren" est également impliqué dans la transaction présumée. A noter que le J. Mouren en question demeure un mystère et ne sera jamais formellement identifié même si comme le note Jean-Pierre Charbonneau dans son livre de référence "La Filière Canadienne", il pourrait s'agir de Marius Martin.

Malheureusement malgré les moyens mis en place les agents du FBN sont repérés lors de leurs filatures. Mais le 18 janvier 1962, le Dieu de la police est du côté des enquêteurs. Alors qu'ils surveillent Patsy, ils le repèrent en train de récupérer Scaglia et "Mouren". Ces derniers récupèrent un peu plus loin Jean Jehan.

Après quelques minutes de trajets le quatuor se sépare et la police finit par ne suivre plus que Scaglia qui est repéré avec un individu qui est identifié comme étant Jacques Angelvin. Ce dernier est tout sauf un truand puisqu'il est une star de la télé Française.

Décision est prise d'arrêter tout le monde. Scaglia & Angelvin sont arrêtés alors qu'ils se trouvent à bord une Buick immatriculée en France au nom d'Angelvin alors que Patsy Fuca est arrêté chez son père Giuseppe. Au moment d'intervenir Patsy venait de récupérer une sacoche que les enquêteurs avait déjà vu en possession du trafiquant. A l'intérieur de la maison, Patsy & Giuseppe sont en train de tenter de dissimuler la drogue dans un faux plafond. 11 kilos et des armes sont retrouvés.

La femme de Patsy, Barbara, ainsi que son frère Anthony sont également arrêtés, de même qu'un de leur associé Nick Trovato. Jehan & "Mouren" passent quant à eux entre les mailles du filet. 

Un autre individu nommé Rosario Ippolito est également fugitif (très peu d'infos sur lui si ce n'est que son nom ressortira plus tard en 1969 dans une autre affaire de dogue dans le Connecticut).

François Scaglia
 

Jacques Angelvin

 

Anthony & Pasquale Fuca


Pasquale & Barbara Fuca


Giuseppe Fuca


Giuseppe Fuca et les 11 kilos d'héroïne retrouvées chez lui

Mais évidemment ce n'est pas la fin de l'affaire, car si la saisie de 11 kilos est bien sur importante en soi, on est finalement assez loin des 50 kilos initialement prévus. La police en déduit donc que les 40 kilos manquants ont été caché ailleurs.

Leurs soupçons sont confirmé quand en comparant le poids de la voiture à son départ et son poids déclarés par Angelvin à l'arrivée à New York il y a une différence de 56 kilos. Après démontage de la voiture une cache et des traces de poudres y figurent bien, mais la drogue n'y est pas.

La maison de Tony Fuca qui n'avait pas encore été fouillée est cette fois passé au crible. Le 24 février, les agents du FBN interviennent au moment où Tony Fuca, qui avait entre temps été libéré sous caution, était en train de remonter 3 valises venant de sa cave. A l'intérieur se trouve les 40 kilos manquant.

Selon les estimations des enquêteurs, il s'agit de la plus grosse prise de drogue effectuée aux USA. La quantité saisie représente 25 millions de dollars et pouvait fournir toute la de consommateurs d'héroïne du pays pour 10 mois.

Tony Fuca et les 3 valises contenant 40 kilos d'héroïne

 

A l'issue de leurs procès en 1964, Patsy & Tony Fuca sont respectivement condamnés à de 5 à 10 ans & de 7 à 10 ans d'emprisonnement. Scaglia est condamné à de 11 à 22 ans de prison alors que Angelvin est condamné à de 3 à 6 ans après avoir plaidé coupable (à noter que Angelvin à toujours clamer son innocence dans cette affaire et d'avoir été trompé). Giuseppe Fuca est quant à lui condamné à une peine de sursis.

Quant à Jehan il a quitté précipitamment le Canada pour rentrer en France où il a été arrêté en 1967. Selon les rumeurs, il serait revenu en France avec 500.000$ en poche. 

Jehan est relâché fautes de preuves et du fait qu'à l'époque il n'y a pas de traité d'extradition entre la France et les USA pour les trafiquants de drogue...

A noter que selon les polices Françaises & Américaines, ce serait Charles "Lolo le Corse" Marignani qui serait derrière le fameux envoi de drogue de l'affaire. Marignani est décrit comme étant à la tête de l'une des quatre principales filières d'envoi de drogue entre Marseille et l'Amérique. 

L'affaire des châteaux

Le 4 juin 1980, les polices Italiennes, Françaises et Américaines organisent un vaste coup de filet en arrêtant pas moins de 23 personnes dans le Piémont, la Lombardie, la Ligurie et la France. Parmi eux se trouvent un homme âgé de 82 ans qui est considéré comme étant d'être le grand coordinateur du réseau. Il s'agit bien évidemment de Jehan...

L'affaire débute en septembre 1978 lorsque la police de Marseille fait une descente au domicile de Bedros Vartanyan. Vartanyan est un truand Franco-Arménien en fuite car condamné à mort par contumace pour une série de braquages. Au moment où il est arrêté, la police le recherche pour sa possible implication dans un trafic de fausse monnaie.

La police ne trouve rien le reliant à ce trafic, mais elle retrouve du matériel et des produits chimiques nécessaire à la transformation de morphine base en héroïne. Plus important encore, elle trouve un mystérieux carnet d'adresses qui va s'avérer fort utile puisqu'il va servir au démantèlement de 2 laboratoires.

Le premier est celui d'Antoine Restori, un ancien disciple du légendaire Joseph Cesari, démantelé en novembre 1978 à San Remo (affaire détaillée ici). 

Le deuxième raid à lieu quelques mois plus tard le 7 mars 1980 à Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) et concerne encore une fois des veilles connaissances de la French Connection. Sur les 10 personnes arrêtés figurent en tête de liste Fernand Chaffard & Christian Simonpieri. 

Chaffard avait été condamné en 1974 à 12 ans de prison pour son implication dans la filière du boss Jean-Baptiste Croce. En 1977 il avait profité d'une autorisation de sortie pour se faire la malle et ne pas retourner en prison. Quant à Simonpieri, il est le neveu du caïd Ange (lui même largement impliqué dans le trafic d'héroïne), et a été condamné en 1973 à 8 ans de prison après la découverte d'un laboratoire.

Lors de leurs filatures, la police a repéré Jean Jehan, Robert Kechichian & Orazio Di Maggio rendre visite à Chaffard. Outre Jehan, Kechichian & Di Maggio sont également depuis un bon moment dans le viseur de la police pour leurs implications dans le trafic de stupéfiant. Le nom de Di Maggio avait notamment fait surface lors de l'enquête sur le labo de Restori.

Les filatures et écoutes effectuées par les policiers permettent d'établir que Kechichian & Di Maggio sont en contact avec Marcel Gambotti, un des principaux caïds de la ville de Nice. A chaque contacts entre les trois, Kechichian rencontre Jehan. Les écoutes permettent également de déduire qu'il n'y a pas au moins 2 laboratoires en fonction.

Orazio Di Maggio

 

Le premier laboratoire est repéré au château de Cereseto di Monferrato (province d'Alessandria, Piémont). Une cinquantaine de policiers investissent les lieux et plusieurs découvertes les attendent. La première est que l'endroit, composé de 146 pièces, ne contient pas 1 mais 2 laboratoires, chacuns semble-t-il opérant indépendamment l'un de l'autre.

Sur place se trouve 4 chimistes Corso-Niçois: Guillaume Valli, Joseph-Antoine Ettori, Jean-Baptiste Constantini & Marcel Gambotti. En plus des 4 chimistes et du propriétaires des lieux arrêtés, la police retrouve 20 kilos d'héroïne raffinée et 60 kilos de morphine base, soit de quoi produire une tonne d'héroïne...

Beaucoup plus surprenant, mais sans doute sans lien avec ceci, le corps d'un enfant dans un bon état de conservation est retrouvé dans les murs du château. Je ne crois pas que ce mystère ait jamais été résolu...

Valli, Ettori, Constantini & Gambotti
 

Le deuxième laboratoire (qui est donc en fait est le troisième) est trouvé au sous-sol d'une maison via Cardinal Mezzofanti à Milan dont le propriétaire des lieux est un dénommé Giuseppe Vetro. Là encore sont retrouvés du matériel perfectionné pour le raffinage d'héroïne et sont également arrêtés les frères Orazio & Marco Di Maggio (note les frères Di Maggio & Vetro ont le point commun d'être des Siciliens nés en Tunisie).

En plus du total des 17 arrestations à Cereseto, Milan & Cagnes-sur-Mer (lieu où sont arrêtés Jehan & Kechichian), 6 autres arrestations ont lieu à San Remo.

Le labo du sous-sol de Milan

 


Du côté de la France c'est l'incontournable juge Pierre Michel qui est en charge de l'affaire et qui s'occupe d'auditionner Jean Jehan. Les quelques entretiens entre le juge Michel & Jehan sont résumés dans le livre d'Alain Laville mentionné plus haut. 

Bien sûr aucun intérêt de recopier ce qu'il y a dedans, mais pour résumer, Jehan ne sait rien, n'a jamais touché à la drogue et il connait à peine Kechichian "son brave voisin qui lui faisait ses courses". On apprend aussi que Jehan aime beaucoup la scène du film French Connection où Charnier (Fernando Rey) fait coucou de la main à travers les vitres du métro à Popeye (Gene Hackman).

La partie la plus intéressante des auditions de Jehan concerne la venue de Michael Maneri à Cagne-sur-Mer. Le mafieux de Miami a été repéré le 26 mai 1980 dans l'immeuble où habitent Jehan & Kechichian. 

Bien évidemment Jehan Jehan déclare ne pas connaitre Michael mais concède toutefois avoir bien connu son père Salvatore quand il habitait en Amérique. Cette déclaration prend tout son sens quand on sait que Salvatore était un membre de la Famille Lucchese bien connu pour son implication dans le trafic d'héroïne (pour ceux qui voudraient en savoir plus à ce sujet, j'avais écrit un article pour le Informer de 2024 consacré à Joe Valachi un article où Maneri est largement mentionné. Magazine disponible ici)

L'implication de Michael Maneri ne s'arrête pas là puisque l'on saura plus tard qu'il est l'un des commanditaires de l'Opération Phoenix, l'un des plus gros volets du chapitre Français de la Pizza Connection.

En attendant son procès, Jehan est libéré en septembre 1980. C'est le juge Michel qui le lui annonce et qui lui déclare "Je n'ai jamais serré la main à un inculpé. Vous serez mon exception" [Alain Laville, Le Juge Michel pages 348 à 351]

Jean Jehan vers 1980
 

A l'issue du procès en 1982, les accusés du procès Français sont condamnés au peine suivante: Fernand Chaffard 25 ans, Christian Simonpieri 22 ans, Bedros Vartanyan & Robert Kechichian 20 ans Armand Maurizio 7 ans dont 4 avec sursis  et Anne Chaffard 5 ans dont 4 avec sursis.

Jean Jehan, âgé de 84 ans, est condamné à 3 ans de prison mais est laissé en liberté du fait de son état de santé (au moment du procès il est d'ailleurs hospitalisé). Il est à l'époque le plus vieux trafiquant de drogue a avoir jamais été condamné.

Kechichian n'a pas purgé le total de sa peine car il bénéficie d'une autorisation de sortie en 1981 du fait d'un cancer. Cancer semble-t-il imaginaire car il aurait bénéficié de l'aide de médecin véreux qui délivraient des autorisations de sorties controversés aux prisonniers des Baumettes, ce qui provoquera par la suite un scandale judiciaire (et au passage la colère du juge Michel). Il a complètement disparu de la circulation après coup.

Robert Kechichian

 

A la suite d'un point technique judiciaire, Bedros Vartanyan est relâché au bout de quelques mois en 1983. Ca ne lui portera pas chance car il est assassiné à Marseille le 14 décembre 1984.

Jean Jehan est décédé le 15 juin 1988 à Cagnes-sur-Mer à l'âge de 90 ans.

Fernando Rey dans la scène préféré de Jehan dans le film French Connection

 

 

 

 

 

 

 

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